Les images tombent dans la pénombre. Le reflet de la lumière, les éblouissements, les clignotements par intermittence sont un leitmotiv poétique.
J’essaye de révéler une expérience rétinienne - comme si ce moment du crépuscule et ces fissures dans l’obscurité étaient source d’une hyperacuité visuelle (je réponds au désir de voir) qui permettrait de révéler l’invu. Le monde est regardé comme mystérieux.
J’essaye de révéler une expérience rétinienne - comme si ce moment du crépuscule et ces fissures dans l’obscurité étaient source d’une hyperacuité visuelle (je réponds au désir de voir) qui permettrait de révéler l’invu. Le monde est regardé comme mystérieux.
Toucher des yeux la vie double
Victor Mazière
" Dans le labyrinthe sensoriel des
images de Clara Chichin, on chercherait en vain un récit linéaire, car chaque
image n’est ici que le photogramme possible d’un film intérieur, toujours
à-venir, déclenchant à chaque impulsion du regard des (anti)récits dont nul ne
détient ni les clés, ni les glissements, ni les formes futures.
Avant le commencement d’une histoire,
il y aurait donc (eu) une image, à la fois élue et manquante : peut-être
celle de cette femme, partie sans laisser d’adresse, abandonnant le théâtre du
monde à l’inexistence futile des jours. D’elle, nous ne saurons rien. Dans cet
amenuisement ontologique auquel la vouera irrémédiablement l’image, que restera-t-il
de son existence, si ce n’est une singularité infiniment finie, un monde clos
dans son visage impassible de statue ? Attendant sans fin ni témoin, dans cette
pièce vidée à la hâte, cette chambre double qui n’eut jamais (de) lieu :
elle aura pourtant toujours été là, éternellement offerte depuis l’origine de toute visibilité, comme
une loi physique inscrite dans la nature-même pour qu’un tiers la dé-robe et en
expose la nudité. Qui est-elle ? Et d’où vient ce sentiment, s’adressant à nous
depuis le non-savoir, de vouloir la nommer, l’allégoriser, elle qui se tient,
anonyme, au rivage de tout nom ? Car la photographie a tranché : en nous
faisant confondre le simulacre et le modèle, elle a dit la vérité du désir, sa
loi folle.
Nous port(er)ons désormais son deuil.
Nous l’avons toujours porté, n’est-ce
pas, ce deuil, depuis le premier battement de paupière, qui, nous ouvrant à la
lumière, ferma notre œil à la nuit du jour, à ce dehors de tout dedans où nous
guette la fureur impassible des signes.
Car pour voir à nouveau, comme
avant le premier jour, quand aucune image ne manquait encore à notre désir,
devrons-nous nous faire voyants à force de nuit ? Et, comme Tirésias, au-delà
de la cécité, toucher des yeux la vie double ?
À l’origine de toute photographie, il
y aurait donc toujours une scène de crime dont la victime a disparu :
paradoxe de Blow Up qui veut que l’image enfantée soit immédiatement
mise à mort. Ce meurtre primitif, l’œil mécanique de l’appareil l’aura
toujours-déjà accompli, lui qui arrache au tissu de la réalité un lambeau de
chair quand, à chaque sentence, s’abat le couperet de l’obturateur :
sacrifice de sang et de sens, où se révèle pourtant l’autre du monde, ce dehors
qui toujours s’est abrité dans l’hyper-espace de la nuit sémiotique, dans ce
monde-fantôme qui n’est ni la fin, ni la clôture, mais la liberté infinie du
désir qui v(i)ole toute chair signifiante.
La photographie tire ainsi à elle le
jour, (se) retire de lui, elle est le re-trait-même : un trait double,
tiré à nouveau sur le monde, le niant, et réunissant cependant en lui,
dans l’autre du signe, ce qui était disjoint dans le monde phénoménal ;
causalité mystérieuse, spectrale, où se rejoignent et se fondent, dans un
principe d’équivalence, la lumière, les arbres, les animaux, les ténèbres, les
corps, les constellations, les chose mortes et abandonnés, tout ce qui,
replongé dans l’eau baptismale du temps, nourrira un jour les fantasmes
prométhéens de nos yeux avides.
Nul art peut-être plus que la
photographie n’aura eu ce pouvoir de suspendre et de dévoiler l’imminence d’une
révélation, d’investir toute image de ce point du jour où chaque instantané est
à la fois l’arrêt et le mouvement des formes, dans la mutabilité de leur vie
rêvée. Chaque photogramme contient virtuellement le rêve infini des
signes : il nous le (dé)livre, comme un espace toujours-encore à habiter,
chaque fois premier, et plus ancien pourtant que la nuit elle-même : ce serait
cela, que met en scène Clara Chichin, tirant de l’hyper-nuit invisible où
s’embrase le corps des images, des songes plus lumineux que le jour, plus
denses que la réalité elle-même, car nourris de la chair et du sang d’une
obscure clarté désirée sans limite.
Pour s’y abandonner, il suffirait
alors simplement d’ouvrir les yeux."
Octobre 2016
-10 tirages jet d’encre pigmentaire sur papier fine art Hahnemühle Photo Rag 308g mat, avec
blanc tournant.
Format 24 cm x 18 cm
Cadre Boîte Ramin teinté marron très foncé - 28 cm x 22 cm +Verre anti-reflet +Cartons PH
neutre.
- 4 tirages jet d’encre pigmentaire sur papier mat fine art Epson Hot Press 300g ou Hahnemühle
Photo Rag 308g, sans marge.
Format 30 cm x 40 cm
Contrecollage sur dibond
Cadre Chassis affleurant Ramin teinté marron très foncé
blanc tournant.
Format 24 cm x 18 cm
Cadre Boîte Ramin teinté marron très foncé - 28 cm x 22 cm +Verre anti-reflet +Cartons PH
neutre.
- 4 tirages jet d’encre pigmentaire sur papier mat fine art Epson Hot Press 300g ou Hahnemühle
Photo Rag 308g, sans marge.
Format 30 cm x 40 cm
Contrecollage sur dibond
Cadre Chassis affleurant Ramin teinté marron très foncé